Spectrométrie nucléaire : Mössbauer 57Fe

 

Principe

On sait  depuis longtemps réaliser en optique des expériences d’absorption résonnante (Wood, 1904) en excitant un atome de l’état fondamental à un état excité par irradiation de lumière. Avant 1958, le rayonnement γ émis lors des transitions nucléaires semblait échapper à ce phénomène : c’est le recul du noyau, à l’émission ou à l’absorption, qui est responsable de cette anomalie. Rudolf L. Mössbauer en 1958 a résolu le problème en montrant expérimentalement dans le cas de 191Ir que l’absorption résonnante  augmentait à basse température. Il en a donné l’explication théorique et cela lui a permis d’être lauréat du prix Nobel en 1961. Ainsi est née la spectrométrie Mössbauer qui est une spectroscopie nucléaire ayant une résolution suffisante pour déterminer la structure hyperfine du noyau due aux perturbations des niveaux nucléaires par son environnement électronique. Cette résolution de 10-13 lui confère une extrême finesse et est classée parmi les mesures physiques les plus précises. Dans le cas du 57Fe, on s’intéresse à la transition nucléaire entre le premier état excité de cet isotope émetteur (issu de son parent radioactif 57Co) et son état fondamental générant une émission de photons gamma E0 de 14.4 kev. Après l’émission de gamma, le noyau recule et son énergie sera de E0 diminuée de l’énergie de recul (Er = E02/2mc2 inversement proportionnelle à sa masse).  Ce rayonnement sera absorbé de manière résonnante par un noyau cible de Fer (absorbeur) si à la largeur d’Heisenberg près, il génére la transition inverse dans la cible d’énergie égale à l’énergie de transition dans l’émetteur plus l’énergie de recul du noyau. Ce désaccord en énergie découle de la conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie totale. Mössbauer a démontré en 1958 que ce phénomène de résonance ne peut être observé que si le noyau cible est lié par de fortes liaisons à ces voisins dans le cas d’un solide. Ainsi il encaissera et absorbera complètement le recul (masse m remplacée par masse M  du solide) et ainsi l’énergie de recul du cristal deviendra négligeable sans modification de l’état vibratoire du solide. Ainsi la fraction f de noyaux donnant lieu à une absorption résonnante sans recul est appelé f facteur Lamb-Mössbauer :

E: énergie de recul du noyau

  : écart quadratique moyen du noyau sonde dans le solide le long de la direction de propagation des photons γ qui caractérise l’échantillon et dépend fortement de la température.

Pour qui ?

Les grandes valeurs de f sont obtenues pour les transitions à basse énergie (via Er) pour les noyaux lourds avec des liaisons chimiques rigides et aux plus basses températures. Bien qu’étant découverte d’ abord par les physiciens, la technique s’est très rapidement développée pour devenir une méthode de recherches fructueuse. Ses applications, initialement en physique et chimie de la matière condensée se sont avérées judicieuses dans d’autres disciplines tel que la métallurgie, le magnétisme, la chimie de coordination, la catalyse, la minéralogie et la biologie.

Pour quoi ?

Comme d’autres sondes nucléaires, la spectrométrie Mössbauer donne des renseignements locaux sur les noyaux qu’elle affecte, en particulier sur la densité électronique locale et le moment magnétique. Ce type de données fournit les renseignements sur l’état de valence des atomes correspondants, les liaisons qu’ils forment avec leurs voisins et leur position dans un réseau cristallin (ordre local cristallographique, magnétique et environnement chimique). Dans le cas du noyau sonde 57Fe, la métallurgie et la minéralogie en sciences de la terre (ou au-delà avec exploration martienne de MIMOS) sont des domaines de choix pour l’utilisation de la technique. Dans des oxydes de fer, des phénomènes subtils tels que la transition de Morin (renversement du spin) dans l’hématite ou transition de Vervew (saut électronique Fe2+ vers Fe3+) de la magnétite sont directement détectable dans les spectres Mössbauer ce que ne peut observer les techniques de diffraction ou de microscopie. Par ailleurs les fluctuations de spin donnant lieu aux effets dynamiques se produisant à des temps comparables aux temps de mesure caractéristique de la spectrométrie Mössbauer (durée de vie du premier état excité du 57Fe). Ainsi  dans le cas des nanoparticules, les températures de blocage ainsi que les comportements superparamagnétiques sont également directement observables au travers des profils de raie de spectres Mössbauer en fonction de larges domaines de température.

Comment ?

Mise en œuvre expérimentale :
  • Isotopes : une cinquantaine d’éléments,  dont une quarantaine de métaux, peuvent être envisagés comme actifs pour la spectrométrie Mössbauer. Le fer et l’étain dont les sources sont le 57Co et 119mSn sont les éléments les plus étudiés, suivi par les terres rares (Eu, Gd, Dy, …). Les sources de rayons γ étant des isotopes radioactifs dans leur états excité de faible durée de vie, comme on ne se trouve pas dans un environnement expérimental nucléaire (accélérateur, réacteur), il faut disposer d’un parent radioactif (ex  57Co pour le 57Fe) qui se désintègre lentement.

  • Appareillage : Le spectromètre qui mesure la différence d’énergie entre les transitions nucléaires de l’émetteur et l’absorbeur utilise la modulation Döppler de l’énergie du photon émis en déplaçant émetteur et absorbeur l’un par rapport à l’autre dans une gamme de vitesse de 1 à 300 mm.s-1. On utilise presque exclusivement un vibreur électromagnétique asservis dont le mouvement est uniformément accéléré, soit sinusoïdal. Le signal de détection de vitesse, solidaire du vibreur, est proportionnel au numéro de canal de l’analyseur dans lequel sont comptées les impulsions. Les expériences sont généralement effectuées par transmission, la source montée sur le vibreur. La détection s’effectue à l’aide d’un scintillateur type NaI ou à semi-conducteur connecté après amplification à un discriminateur monocanal (qui effectue la sélection des impulsions provenant de la seule transition Mössbauer). Les canaux d’un analyseur multicanaux sont synchronisés avec un générateur de mouvement. L’échantillon, quand on procède par transmission, se présente sous forme de pastille d’environ 20mm constituée de poudre compactée ou de feuille métallique d’épaisseur une vingtaine de microns. Dans les environnements cryogéniques, on utilise cryostats supportant les échantillons et disposant de fenêtres optiques en Be ou mylar (transparents aux photons γ)